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La Turquie emportée par la guerre économique

La Turquie emportée par la guerre économique

Publié le 28 août 2018

La chute de la livre turque

La monnaie du pays d’Erdogan est en chute libre après la décision des Etats-Unis de continuer sa taxation sur les denrées exportées depuis la Turquie. La livre turque a perdu près de 20% rien pour la seule journée du 10 aout. Et en six mois, elle aurait laissé plus de la moitié de sa valeur. Le bras de fer entre les Etats-Unis et la Turquie continue néanmoins, plongeant la Turquie dans un marasme économique qui frise la catastrophe. A tel point que le pays est sur le point de demander l’aide du FMI.


Les vieilles querelles

Cela fait plus de quarante ans qu’Ankara et les Etats-Unis se détestent cordialement. Mais cette fois, Trump est très en colère par suite du refus de la Turquie de libérer un pasteur américain. Les conflits se sont subitement exacerbés et la crise monétaire est désormais plus que palpable en Turquie. Une crise qui inquiète tous les marchés du monde entier, à commencer par ceux des pays émergents qui subissent les moindres secousses provenant d’Ankara.

 

Terrorisme et embargo

C’est en effet au travers de l’histoire du pasteur Andrew Brunson que les relations se sont vraiment envenimées. Cet américain, originaire de Caroline du Nord et résidant en Turquie depuis 20 ans, a été arrêté en 2016 pendant les événements qui ont succédés au putsch raté. Ankara l’accuse d’être lié au Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK), une organisation classée "terroriste" et complice du putsch raté. Brunson serait aussi selon Ankara lié au prédicateur Fethullah Gülen, jugé responsable lui-aussi du coup d’Etat manqué de juillet 2016. Mais la Turquie refuse toujours son extradition vers les Etats-Unis, au grand dam de Washington, qui souhaite un procès qui ne soit pas orchestré par les musulmans. Mais selon le Wall Street Journal, Ankara aurait fait ces derniers jours une nouvelle proposition aux États-Unis. La Turquie souhaiterait maintenant la libération du religieux de 50 ans contre l’arrêt des procédures contre une banque turque, Halkbank, compromise dans une affaire liée à l’embargo américain avec l’Iran. En effet, Halkbank aurait servi dès 2011 d’intermédiaire entre la Turquie et l’Iran, pour mieux contourner l’interdiction américaine…

 

La bourse en berne

Les tensions diplomatiques accélèrent dangereusement la chute de la livre turque. Ankara ne voulant pas céder sur la libération du pasteur, Trump réagit par des sanctions économiques fortes qui placent la Turquie dans un affaiblissement d’une grande envergure. La livre turque ne représente soudain plus rien face au dollar américain musclé. Et les Bourses de Hong Kong, Tokyo, Frankfort, Londres de Paris connaissent des chutes inquiétantes. Personne ne sait vraiment qu’elles vont être les conséquences de cet effondrement turque.

 

Les promesses turques

Le ministre des finances turc, Berat Albayrak, se veut cependant rassurant et annonce que la Turquie va mettre en œuvre une stratégie économique pour sortir du chaos. De son côté, la banque centrale de Turquie promet qu’elle sera en mesure de fournir toutes les liquidités nécessaires pour retrouver un équilibre financier. N’empêche qu’Erdogan dénonce un véritable complot politique, accusant les Etats-Unis de le frapper « dans le dos ».

 

Turbulences sur les marchés

Les devises des pays émergents ont subi l’effondrement turque et les investisseurs extérieurs se retirent rapidement du marché. Cela se répercute sur les variations de cours des devises émergentes face au dollar. En effet, ces « petites » devises sont durement frappées par la crise turque car elles assistent impuissantes au départ des investisseurs étrangers. Il faut se souvenir cependant qu’avant l’éclatement de la crise, au printemps, la livre turque était déjà en recul de 30% par rapport au dollar. Les autres devises émergentes avaient suivi dans une sorte d’engrenage inexorable: le rand sud-africain, le ringgit, mais aussi la roupie indienne ou indonésienne.

 

Une aubaine pour l’euro?

Les touristes européens profitent malgré eux d’une conjoncture extrêmement intéressante pour l’euro. Le recul de la livre donne un pouvoir d’achat presque indécent aux européens. En Turquie, les hôtels de luxe, les restaurants recherchés, deviennent subitement très accessibles.  Ce n’est pas la gratuité totale, mais pas loin. Citons seulement un hôtel 5 étoiles disponible pour 60 euros…

 

Volatilité en hausse

La volatilité de la livre turque n’est pas prête de diminuer. C’est donc une véritable crise du change qui frappe non seulement la Turquie mais également les pays émergents. Selon certains observateurs, la banque centrale du pays devrait relever son taux directeur pour protéger sa devise, mais elle ne le fait pas. Malgré un prêt de 15 milliards venant du Qatar, la crise turque est loin de voir la fin du tunnel.

 

L’effet d’engrenage

Dans ce contexte, la Turquie n’est pas la seule à faire les frais du durcissement américain. Des analystes prévoient que l’Afrique du Sud et le Brésil pourraient bientôt tomber dans le piège de la crise monétaire. D’autres pays comme l’Indonésie et les Philippines, déjà très déficitaires, pourraient également subir très durement les répercussions du malaise d’Ankara.

 

La robustesse russe

Même si le rouble n’a pas été épargné par les troubles turques, la Russie semble très solide au regard de son potentiel exportateur de pétrole. Elle détient également de bonnes réserves de change qui lui permettront, en cas de coup dur, de résister sereinement. D’ailleurs, les actions russes continuent de figurer dans la sélection des placements à privilégier pour le second trimestre 2018.

 

Une Europe protégée

Les spécialistes s’accordent pour reconnaître que la crise monétaire turque n’aura que peu d’impact sur l’économie mondiale. Sans doute parce que la Turquie est un acteur mineur sur le marché économique mondial, représentant moins de 1% du PIB mondial et à peine 2,8% de la zone euro. D’autre part, la relation des banques européennes avec la Turquie n’est pas suffisamment florissante pour menacer l’équilibre européen. Les risques ne sont pas inexistants mais restent minimes, du moins au regard de la Banque centrale européenne. Seules les banques espagnoles sont plus franchement concernées, tout en sachant que leurs prêts à la Turquie représentent moins de 5%. Quant à L’Italie, elle reste en dessous des 2% concernant les prêts turcs.

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